« Comment opérationnaliser l’approche basée sur les droits de l’enfant dans le cadre des projets de développement et humanitaires ? » Tel était le sujet de la table ronde organisée le 21 septembre dernier par le Groupe Enfance.
Son objectif : permettre aux professionnels de l’enfance de mieux comprendre ce cadre conceptuel et de l’intégrer sur le terrain pour garantir une meilleure protection et promotion des droits de l’enfant.
Avec plus de 80 participants, le succès était sans conteste au rendez-vous pour la table ronde multisectorielle organisée ce mardi 21 septembre au siège de SOS Villages d’Enfants par le Groupe Enfance. Pendant plus de 3 heures, les 18 ONGs membres se sont succédées sur scène pour rappeler l’importance des droits de l’enfant, l’impérieuse nécessité de les faire appliquer plus de 30 ans après leur adoption, et les outils aujourd’hui à disposition pour que les droits de l’enfant soient une priorité et une réalité au sein des projets de développement.
Des droits de l’enfant peu appliqués dans le monde
1 enfant sur 6 vit aujourd’hui dans l’extrême pauvreté, 12 millions de filles sont mariées chaque année, plus de 888 millions d’enfants voient leur scolarité perturbée en raison des fermetures d’écoles… « Plus de 30 ans après leur adoption, les droits de l’enfant ne sont toujours pas appliqués ni respectés partout dans le monde », insiste Hervé Laud, Directeur Prospective et Plaidoyer de SOS Villages d’Enfants, Chef de file du Groupe Enfance, en ouverture de la table ronde. « Si on ne fait rien, d’ici à 2030, 70 millions d’enfants pourraient mourir avant leurs 5 ans. Il y a des enjeux massifs pour l’économie et l’écologie globale de la planète. » Ce tableau peu glorieux a également été dénoncé par Nadia Beddiar Docteur en Droit, en sa qualité de grand témoin de la table ronde. « Des millions d’enfants vivent aujourd’hui de profondes inégalités de droits. Dans la plupart des pays occidentaux, y compris la France, ils restent exclus du bénéfice de leurs droits (handicap, mineurs isolés, communautés marginalisées…). Il est urgent d’agir et d’ouvrir le dialogue. Il est impératif que les professionnels échangent sur leurs pratiques. »
Une table ronde pour les professionnels de l’enfance
Cette table ronde était justement pour le Groupe Enfance l’occasion de réunir autour d’une même table les professionnels de l’enfance et de leur présenter l’approche par les droits. « C’est un cadre conceptuel ET opérationnel », explique Laura Audouard, chargée de plaidoyer à Plan International France. « On peut lire un projet humanitaire ou de développement via le prisme de la Convention relative aux droits de l’enfant. Depuis des mois, le Groupe Enfance a cherché à opérationnaliser cette approche dans les cycles de projets et a notamment produit des documents, des formations et une check-list ». Le premier des ateliers de la table ronde lui était d’ailleurs consacré. Elsa Bourget, Référente technique Education et Bien-être de l’Enfant au Secours Islamique France, a donné les clefs de lecture et d’appropriation de cet outil, soulignant qu’elle contenait près de 34 critères non exhaustifs pour permettre aux professionnels d’interroger leurs pratiques et de les évaluer. Guillemette Vuillard, chargée de programmes à ECPAT France, a ensuite proposé un exercice pratique : lire l’un des projets mené à Madagascar contre l’exploitation sexuelle des enfants au travers de la grille de lecture proposée par la check-list, montrant ainsi que l’outil permet non seulement de mettre en lumière les points forts des projets en termes de droits de l’enfant (prise de conscience de leurs droits, des possibles abus, et moyens de lutter contre, notamment interpellation des autorités) et de mettre l’accent sur les points à améliorer.
Respecter les droits de l’enfant, notamment la participation
Le 2ème atelier de la table ronde était lui consacré à la participation des enfants et des jeunes. Objectif : montrer qu’il ne s’agit pas seulement de cocher les cases d’une participation de pure forme, mais bel et bien de créer les conditions d’un véritable dialogue avec les jeunes. L’un des projets de l’ONG Vision du Monde mené au Bangladesh pour lutter contre les mariages précoces a permis de mettre en lumière l’importance de la participation des enfants pour leur donner conscience d’eux-mêmes et être acteurs du changement dans leur propre contexte social. « La participation des enfants ne doit pas se penser en demi-mesure, soit ils ne participent pas, soit ils participent mais les enfants ne doivent pas être utilisés par l’adulte. La participation doit partir des enfants eux-mêmes pour éviter de finir avec un projet qui irait à l’encontre de leur bien-être. L’enfant est le mieux placé dans sa subjectivité pour s’interroger sur ses propres besoins et les responsabiliser est nécessaire pour pérenniser leur intégration dans le projet. » a insisté Nadia Beddiar. A l’aide d’un projet fictif destiné à améliorer l’accès à l’eau, à l’hygiène et à l’assainissement, le Groupe Enfance a démontré la nécessite d’impliquer les enfants, de leur proposer une participation active dans la gouvernance même des projets et de réfléchir avec eux à leurs modes de participation. Il a également mis en lumière les impératifs d’une « bonne participation » des enfants, à savoir qu’ils doivent être consultés avant le lancement du projet, être sensibilisés, avoir accès à l’information, être libre de s’exprimer de manière autonome et ne pas être mis en danger.
Les recommandations du Groupe Enfance
« Intégrer une approche par les droits de l’enfant est très compliqué. Cela nécessite un changement de posture des acteurs, des enfants, qui ne sont pas seulement des récipiendaires mais des sujets de droits. Le travail du Groupe Enfance est donc remarquable, il s’adresse aussi bien à la société civile, aux acteurs de la solidarité, qu’à de grandes organisations comme l’Agence Française de Développement (AFD) », a insisté Emilie Aberlen, chargée de projets à la Division Organisations de la société civile (DPA/OSC) de l’AFD et qui représentait l’Agence. La table ronde s’est achevée sur la présentation des principales recommandations du Groupe Enfance, à savoir : l’opérationnalisation de l’approche basée sur les droits de l’enfant via le cadre législatif, la création avec les pouvoirs public d’un marqueur – à l’image du marqueur genre – pour mesurer l’aide financière allouée aux droits de l’enfant, la nécessaire formation des agents du Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères à l’approche par les droits de l’enfants et la promotion de la CIDE dans la diplomatie française, au niveau bilatéral et multilatéral. Autant d’enjeux forts et déterminants qui ne manqueront pas d’occuper le Groupe Enfance dans les mois et les années à venir, a conclu Alexia Tafanelli, coordinatrice du Groupe Enfance, avant de donner rendez-vous autour du 20 novembre prochain à l’occasion d’Objectif Enfance. Cet événement annuel du Groupe Enfances sera consacré cette année à la redevabilité de la France sur la dimension internationale, notamment dans le cadre de l’examen périodique auprès du Comité des Droits de l’Enfant des Nations Unies.
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