Le traité sur l’Union européenne (traité de Lisbonne), entré en vigueur en 2009, ancre l’engagement à promouvoir la protection des droits de l’enfant dans l’action interne et externe de l’UE. Avec ces lignes directrices, l’Union européenne réaffirme son engagement à protéger et promouvoir les droits de l’enfant dans sa politique extérieure des droits de l’homme, conformément aux dispositions de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant et ses protocoles facultatifs et des autres normes et traités internationaux pertinents.
Depuis leur adoption en 2007, les droits de l’enfant et la politique extérieure de l’UE en faveur des enfants ont beaucoup évolué, rendant indispensable la révision des lignes directrices. A titre d’exemple, l’année 2015 a abouti à l’adoption d’un certain nombre d’accords internationaux majeurs, dont le Programme de développement durable à l’horizon 2030, qui s’engage à fournir aux enfants et aux jeunes un environnement propice à la pleine réalisation de leurs droits et capacités. Par ailleurs, la stratégie globale de la politique étrangère et de sécurité de l’Union européenne souligne l’importance des objectifs de développement durable et l’engagement à intégrer les droits de l’homme dans tous les secteurs politiques de l’action extérieure de l’UE.
Fondée sur une approche multidimensionnelle, ce choix politique sous-entend également un engagement à se concentrer sur l’approfondissement du travail sur l’éducation, la communication, la culture et la jeunesse. Par ailleurs, l’UE s’est engagée à s’orienter vers une approche fondée sur les droits dans ses opérations avec l’adoption du cadre stratégique et du plan d’action de l’UE sur les droits de l’homme et la démocratie (2012) et les conclusions du Conseil sur une approche de la coopération au développement fondée sur les droits (mai 2014). Le but de ces « Lignes directrices de l’UE pour la promotion et la protection des droits de l’enfant » est donc de rappeler les normes internationales sur les droits de l’enfant et de fournir des conseils pratiques aux fonctionnaires des institutions de l’UE et des États membres afin de renforcer leur rôle de promotion et de protection des droits de tous les enfants dans l’action extérieure de l’UE.
Principes de l’action de l’Union Européenne
La politique de l’UE sur les droits de l’enfant est guidée par la Convention relative aux droits de l’enfant (CIDE). Adoptée en 1989, cette Convention définit des normes universelles pour les soins, le traitement, la survie, le développement, la protection et la participation de tous les enfants. Il s’agit du premier instrument juridique international à reconnaître explicitement les enfants en tant qu’acteurs sociaux et détenteurs actifs de droits.
Quatre principes généraux guident l’interprétation et la mise en œuvre de la CIDE et forment la base d’une approche fondée sur les droits de l’enfant. Outre les articles de la Convention et ses protocoles facultatifs, l’UE doit prendre en considération ces principes dans la conception et la mise en œuvre de sa politique et de ses actions relatives aux droits de l’enfant :
- Non-discrimination
- Intérêt supérieur de l’enfant
- Droit à la vie, à la survie et au développement
- Participation
Dans le cadre stratégique et le plan d’action de l’UE sur les droits de l’homme et la démocratie, adoptés en juin 2012, l’UE s’est engagée à évoluer vers une approche basée sur les droits englobant tous les droits de l’homme. Les principes de cette approche reflètent les quatre principes directeurs de la CIDE qui constituent une approche basée sur les droits de l’enfant. Cette dernière favorise la réalisation des droits de tous les enfants tels qu’énoncés dans la Convention et se concrétise dans la pratique par le développement de la capacité des débiteurs d’obligations à s’acquitter de leurs obligations (respecter, protéger et réaliser les droits) et de la capacité des titulaires de droits à revendiquer leurs droits. Cette approche basée sur les droits de l’enfant est holistique et met l’accent sur le soutien des forces et des ressources de l’enfant lui-même et de tous les systèmes sociaux dont l’enfant fait partie : famille, école, communauté, institutions, systèmes religieux et culturels. Afin de garantir efficacement les droits de l’enfant, l’intégration de ces droits doit s’étendre au-delà des secteurs dits « traditionnels » axés explicitement sur les enfants (nutrition, santé, éducation) car tous les secteurs et programmes ont un rôle à jouer et sont interdépendants. A ce sujet, l’UE et l’UNICEF ont uni leurs forces pour développer un outil innovant : « Boîte à outils UE-UNICEF sur les droits de l’enfant : intégrer les droits de l’enfant dans la coopération au développement ». Publié en 2013, cet outil à destination des fonctionnaires, des institutions de l’UE, des États membres de l’UE et tous les acteurs du développement fournit des conseils pratiques afin de garantir l’intégration et l’application des droits de l’enfant dans les programmes d’aide au développement bilatéraux et multilatéraux.
Priorités de l’engagement de l’UE
- Soutenir et encourager les pays partenaires à s’acquitter de leurs obligations juridiques pour faire progresser la mise en œuvre de la Convention et de ses trois protocoles facultatifs, ainsi que d’autres instruments et normes internationaux et régionaux sur les droits de l’enfant.
- Sensibiliser et promouvoir une meilleure compréhension des principes et des dispositions de la CIDE, de ses trois protocoles facultatifs et observations générales, et d’autres instruments et normes internationaux et régionaux ayant un rapport avec les droits de l’enfant, à la fois dans les pays partenaires et parmi le personnel de l’UE à tous les niveaux, y compris ceux qui ne travaillent pas directement sur les droits de l’enfant.
- Poursuivre une approche basée sur les droits pour la mise en œuvre des mesures générales de mise en œuvre de la Convention relative aux droits de l’enfant, guidée à par les quatre principes généraux de la Convention, à savoir la non-discrimination, l’intérêt supérieur de l’enfant, la survie et le développement de l’enfant et la participation de l’enfant.
- Sensibiliser et promouvoir l’égalité des sexes entre tous les garçons et les filles en accordant une attention particulière à la lutte contre les discriminations fondées sur le genre.
- Améliorer la cohérence de l’action extérieure de l’UE en faveur des enfants. Promouvoir les synergies et renforcer la coopération interinstitutionnelle, notamment en ce qui concerne l’action extérieure de l’UE en faveur des enfants et les actions menées par ses États membres.
- Soutenir la mise en œuvre du Programme de développement durable à l’horizon 2030 en mettant particulièrement l’accent sur les objectifs et les cibles les plus pertinents pour les enfants. Ces lignes directrices serviront à compléter tous les autres efforts de l’UE pour réaliser le programme de développement durable à l’horizon 2030.
Outils de l’UE pour promouvoir et protéger les droits de l’enfant
- Les dialogues politiques offrent l’occasion de discuter des questions bilatérales, régionales et internationales de préoccupation avec les pays partenaires dans un cadre formel et sur une base régulière.
- Particulièrement, les dialogues sur les droits de l’homme ont pour objectif principal de :
- permettre à l’UE de partager avec les pays partenaires leurs préoccupations concernant les violations des droits de l’homme avec les pays partenaires
- recueillir des informations et chercher à améliorer la situation des droits de l’homme dans le pays partenaire concerné
Outre les dialogues au niveau de l’UE, les États-membres ont également des dialogues au niveau national. Chaque fois que cela est pertinent, les dialogues devraient aborder la question des droits de l’enfant en se fondant sur une analyse de la situation des droits de l’enfant du pays concerné afin de mettre en évidence les principales violations et préoccupations auxquelles les enfants sont confrontés.
- Les droits de l’enfant sont également reflétés et traités dans le cadre de la stratégie européenne par pays relative aux droits de l’homme et la démocratie. Les délégations de l’UE peuvent prioriser certaines questions, dont les droits de l’enfant. Les stratégies par pays donnent l’occasion d’une analyse approfondie de la situation des enfants dans un pays donné, et d’identifier les lacunes potentielles ainsi que les actions et mécanismes nécessaires afin d’assurer la protection des droits de l’enfant.
- L’UE utilise sa coopération bilatérale et multilatérale pour promouvoir et protéger les droits de l’enfant, grâce à l’utilisation complémentaire des instruments de financement géographiques et thématiques de l’UE (en collaboration avec les autorités nationales, l’ONU, la société civile).
- La récente stratégie « Commerce pour tous » définit un programme ambitieux et complet pour garantir une croissance en concordance avec la justice sociale, le respect des droits de l’homme et des normes internationales fondamentales (droits de l’homme, droits du travail, protection de l’environnement, etc) dont la CIDE ainsi que la Convention (n°182) sur les pires formes de travail des enfants (1999).
Opérationnalisation
La partie opérationnelle des « Lignes directrices de l’UE pour la promotion et la protection des droits de l’enfant » prend en compte un large éventail de mesures identifiées par le Comité des droits de l’enfant comme nécessaires à la mise en œuvre effective de la CIDE. Les « Mesures générales de mise en œuvre », comme on les appelle, couvrent les mesures législatives, administratives que les États doivent mettre en place afin de mettre en œuvre les droits contenus dans la CIDE. Cette mise en œuvre doit être guidée également par les 4 Principes généraux de la CIDE. En optant pour une approche systémique de renforcement, les Etats abordent les droits de tous les enfants de manière transversale, y compris les plus vulnérables et marginalisés, tels que : les enfants migrants et réfugiés, les enfants non-accompagnés, les enfants handicapés ou ceux appartenant à un groupe minoritaire. Cette approche permet également une prise en compte des besoins spécifiques des filles et des garçons, en fonction du sexe et de l’âge. La promotion et la protection des droits de l’enfant ne peuvent être effectives qu’à la condition d’une conformité des législations et politiques nationales à la CIDE et ses protocoles facultatifs. Pour cela, l’UE doit soutenir et encourager les pays partenaires à :
- Adhérer, ratifier, mettre en œuvre et faire respecter les instruments et normes régionaux pour la promotion et la protection des droits de l’enfant, en particulier la CIDE et ses 3 protocoles facultatifs, les Conventions sur l’âge minimum (n°138, en 1973) et sur les pires formes de travail des enfants (n°182) de l’Organisation Internationale du Travail (OIT).
- Examiner les réserves formulées par un ou plusieurs pays à l’égard de la CIDE et ses 3 protocoles facultatifs. Tenter de les résoudre.
Par ailleurs, une coopération de l’UE, comme des pays partenaires, avec les organisations de la société civile est essentiel à la bonne compréhension des problématiques auxquelles sont confrontés les enfants en termes de violations de leurs droits et d’obstacles à leur réalisation, ainsi que pour déterminer les meilleures solutions. Dans cette démarche, l’UE se doit d’encourager les pays partenaires à s’engager avec les ONGs dans les processus de rapports liés à la mise en œuvre des plans de stratégie et d’action nationales, notamment en ce qui concerne les rapports au Comité des droits de l’enfant des Nations Unies. En effet, les pays partenaires peuvent bénéficier d’une assistance technique pour la mise en œuvre de la CIDE, par exemple du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), du Haut-Commissariat aux droits de l’homme (HCDH) et d’autres organismes des Nations Unies. Dans un angle d’approche transversale, l’UE a pour mission de soutenir le travail des acteurs internationaux et régionaux concernés par le domaine des droits de l’enfant : les organes des Nations Unies, le Comité des droits de l’enfant, ou encore les acteurs œuvrant dans le processus de mécanismes spécifiques (le trafic d’enfants, la prostitution d’enfants et pédopornographie, les conflits armés et la violence contre les enfants). Ce soutien peut se manifester par une évaluation d’impact des politiques relatives aux enfants et leurs droits, l’examen des programmes d’appui budgétaire des actions menées par l’UE et ses Etats-membres pour promouvoir et défendre les droits de l’enfant. La mise en œuvre effective de la CIDE exige une coordination intersectorielle entre les départements gouvernementaux pour reconnaître et réaliser les droits de l’enfant, ainsi qu’entre les niveaux centraux et les autres niveaux de gouvernement et entre les gouvernements. Le but de la coordination est de s’assurer que la mise en œuvre n’est pas seulement reconnue par les grands départements ayant un impact substantiel sur les enfants (éducation, santé, protection sociale, etc) mais dans tout le gouvernement, y compris par exemple les départements concernés par les finances, la planification, l’emploi, le genre, la défense, la migration et l’asile, la sécurité, l’agriculture, etc. Ainsi, s’assurer que les fonctionnaires, travaillant dans les départements gouvernementaux des Etats- membres et dans chaque secteur évoqué plus haut, aient pu bénéficier d’une formation sur une approche basée sur les droits englobant tous les droits de l’homme ainsi que d’une formation spécifique sur les droits de l’enfant et leur caractère transversal. À cette fin, l’utilisation et la diffusion de la boîte à outils UE-UNICEF sur les droits de l’enfant doit être encouragée par l’UE et systématique. D’autre part, pour une mise en œuvre efficace des stratégies et plans d’action relatifs aux droits de l’enfant, il est impératif de fournir les données et connaissances nécessaires (faits et chiffres relatifs aux violations des droits de l’enfant, études de bonnes pratiques etc.) afin d’apporter des solutions efficaces de lutte contre les inégalités et les discriminations. Pour cela, l’inclusion d’indicateurs pertinents, précis, spécifiques et sensibles aux enfants dans le plan d’action est primordiale à la promotion et la protection des droits de l’enfant. Un cadre de contrôle des différents acteurs concernés (institutions nationales des droits de l’homme, les médiateurs des droits de l’homme tels que le Comité des droits de l’homme des Nations Unies) est donc crucial pour réaliser une évaluation d’impact mais aussi un examen de leur conformité et du suivi des engagements aux standard et normes. Cela se concrétise par :
- la mise en place d’une série de mesures afin d’assurer un contrôle adéquat des efforts du gouvernement dans la réalisation des droits de l’enfant, de superviser les activités d’autres acteurs, tels que le secteur privé.
- la garantie à l’accès des enfants et de leurs représentants aux procédures de plainte et aux tribunaux avec l’assistance juridique adaptée aux enfants
- le rôle de la société civile de sollicitation et de responsabilisation du gouvernement
Application et évaluation de ces lignes directrices
Le groupe de travail du Conseil sur les droits de l’homme soutiendra la mise en œuvre des lignes directrices en associant, le cas échéant, les groupes de travail géographiques du Conseil et le groupe de travail du Conseil sur la coopération au développement. Des échanges réguliers auront lieu avec les commissions, sous-commissions et groupes de travail concernés du Parlement européen sur la mise en œuvre, l’évaluation et la révision de ces lignes directrices. La promotion et la protection des droits de l’enfant seront intégrées dans les politiques et actions pertinentes de l’UE, notamment en ce qui concerne le rôle de l’UE dans les enceintes internationales.
- Pour en savoir plus : Lire le Manuel pour la Promotion et la Protection des droits de l’enfant (disponible en anglais).