« #CovidUnder19 » est une initiative portée par 34 organisations académiques et de la société civile dont l’objectif est de comprendre la façon dont les enfants ont fait l’expérience de leurs droits pendant la pandémie du covid-19. Pour cela, les organisations partenaires ont souhaité créer un espace d’expression où des enfants du monde entier peuvent s’impliquer concrètement dans les discussions autour des problèmes soulevés par la pandémie et contribuent à dessiner le monde d’après le Covid-19.
Cette initiative a pris la forme d’une enquête élaborée par des experts des droits de l’enfant et par 270 enfants de 26 pays. Elle a ensuite été largement partagée : plus de 26 000 enfants y ont répondu dans 137 pays. Elle a ainsi permis de recueillir des données chiffrées sur le vécu des enfants pendant la pandémie mais aussi des témoignages et des conseils donnés par les enfants à leur gouvernement. Ces résultats ont été analysés et interprétés par des professionnels mais aussi par des enfants et des jeunes.
Expériences du Covid-19
Si certains enfants ont fait état d’expériences négatives de la pandémie, d’autres soulignent ce qu’elle leur a apporté, comme le fait de passer plus de temps en famille par exemple. Les trois sentiments ressentis le plus fréquemment par les enfants pendant la pandémie étaient l’ennui (43%), la joie (40%) et l’inquiétude (39%). Parmi les conseils qui ressortent dans les demandes exprimées par les enfants, on trouve : fournir des informations fiables et accessibles et prioriser et investir dans la santé.
Participation et information
L’article 12 de la Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE) garantit le droit aux enfants d’exprimer librement leurs opinions et de voir celles-ci prises en compte et entendues par les autorités. En l’occurrence seulement 20% des enfants interrogés considèrent que le gouvernement les écoute quand il prend des décisions politiques et beaucoup d’entre eux ont demandé à ce que le gouvernement prenne plus au sérieux leur voix : « Les gens de mon âge continuent d’être ignorés par notre gouvernement. Vous refusez de nous respecter maintenant, mais attendez de nous que nous vous respections. » (Fille, 14 ans, Etats-Unis)
L’article 17 reconnaît l’importance de l’accès à des informations diverses et fiables pour la vie et le bien-être des enfants. A cet égard, l’enquête met en évidente l’accès très inégal à internet : si seulement 13 % des enfants ont déclaré ne pas avoir accès à l’internet, ils sont 62% à vivre dans des centres de détention, des camps de réfugiés et des centres pour sans-abri. Dans l’ensemble les sources d’informations sur le coronavirus les plus utilisées sont les membres de la famille (62%) et les médias traditionnels (59%). Les enfants se réfèrent beaucoup moins aux informations données par des amis (17%) ou par les réseaux sociaux (25%).
Représentation des enfants
L’article 2 déclare que les droits des enfants doivent être garantis pour tous les enfants sans discrimination. Les enfants ont été interrogés sur ce qu’ils et elles pensaient de leur représentation dans les médias. 24% d’entre eux ont estimé que cette représentation était meilleure qu’avant la pandémie et 21% qu’elle était la même. Mais 16% des enfants, surtout les plus âgés (13 à 17 ans) et les enfants du Royaume-Uni et d’Irlande, ont jugé que leur représentation était plus négative pendant la pandémie.
Certains enfants étaient inquiets d’être pointé.e.s du doigt comme des vecteur du virus. D’autres se sentaient exclu.e.s des lieux publics, ou trouvaient que leurs sacrifices n’étaient pas reconnus.
« Les enfants ne sont pas aussi perdus que vous le pensez. Ils ont une voix, et aucune voix ne doit être exclue. Être des enfants ne veut pas dire que nos voix sont moins crédibles, et nous pouvons être des témoins de la situation dans des secteurs que vous avez oubliés ou ne jugez pas importants. » (Garçon, 10 ans, Philippines)
Un niveau de vie adéquat
L’article 27 donne à tous les enfants le droit à un niveau de vie suffisant pour permettre leur développement physique, mental, spirituel, moral et social. Or la pandémie a fortement impacté la capacité des familles à subvenir aux besoins de leurs enfants. 41% des enfants estiment que leur famille a moins d’argent depuis la pandémie et 20% des enfants ont déclaré qu’ils et elles avaient moins de nourriture : « Mes parents gagnent moins d’argent, je ne peux plus avoir de la bonne nourriture comme avant. » (Garçon, 8 ans, Cambodge). Certains groupes souffrent davantage de cette situation : 58% des enfants migrants et 46% des enfants handicapés ont affirmé que leur famille n’avait pas assez d’argent pour subvenir à leurs besoins.
Vie de famille
Le préambule de la CIDE considère la famille comme un groupe sociétal fondamental pour le bien-être des enfants, et souligne l’importance d’un environnement familial positif pour leur épanouissement.
L’enquête montre que beaucoup d’enfants ont apprécié passer plus de temps avec leur famille proche, particulièrement les plus jeunes. Ainsi, 41% des enfants de 8 à 10 ont dit que le contact avec leur mère était mieux qu’avant et 44% qu’il n’avait pas changé. Cependant, certains enfants ont évoqué les tensions et conflits familiaux qu’ils et elles subissaient. D’autres étaient tristes d’avoir moins de contact avec certains membres de leur famille.
Les enfants ont demandé aux gouvernements de mieux prendre en compte le cadre familial dans leurs décisions pendant la pandémie : « Il est connu que les cas de violence ont augmenté durant le confinement et il est probable que beaucoup d’enfants ont été victimes de violences. Malheureusement, les jeunes n’étaient pas assez informés sur comment faire face à ces situations et vers qui se tourner pour obtenir de l’aide. » (Garçon, 16 ans, Grèce)
Sécurité et violence
L’article 19 de la CIDE stipule que les enfants ont le droit d’être protégés contre toutes les formes de violence (physique, psychique, exploitation, défaut de soins…). Si la majorité des enfants ont déclaré se sentir aussi en sécurité, voire plus en sécurité, chez eux qu’avant la pandémie, 9% d’entre eux s’y sentaient moins en sécurité. Cette proportion était particulièrement élevée dans certains groupes : 24% des enfants migrants, 23% de ceux vivant dans un centre de détention, un camp de réfugié ou un centre de sans-abris.
De manière général, la plupart des enfants disent avoir subis moins de violences (52%) ou autant de violences (39%) qu’avant le covid-19. Ce qui peut être le signe d’un niveau d’exposition élevé aux violences communautaires avant la pandémie. Là encore certains groupes, comme les enfants migrants ou s’identifiant à la communauté LGBTQ+, ont été davantage touchés par une augmentation du niveau de violence. Un tiers des enfants avait une meilleure connaissance des moyens de demander de l’aide s’ils ou elles se sentaient en danger par rapport à avant la pandémie, ce qui semble indiquer une communication plutôt efficace des informations sur les dispositifs d’aide, même si 11% des enfants signalent tout de même de pas savoir à qui demander de l’aide en cas d’insécurité.
Les enfants ont donné des conseils sur la façon dont le gouvernement pourrait protéger les enfants des abus et des violences : « Demandez aux travailleurs sociaux de rendre visite aux familles et aux enfants, surtout ceux avec des antécédents d’abus même minimes. Fournissez des directives adaptées aux enfants pour faire face au Covid-19. » (Garçon, 17 ans, Nigéria)
Education
Les articles 28 et 29 de la CIDE définissent les droits à l’éducation des enfants. La transformation de l’éducation ressort en effet comme un enjeu majeur de la crise : les cours en ligne notamment ont provoqué une véritable rupture éducative, sociale et émotionnelle dans la vie des enfants. Ainsi, 12% des enfants ont déclaré que leur éducation était meilleure pendant la pandémie, car plus adaptée à leur rythme ou moins exposée aux brimades subies à l’école. « J’aime les leçons en ligne ; j’ai des problèmes d’anxiété, et pouvoir parfois couper mon micro ou ma caméra me fait me sentir beaucoup plus en sécurité, et je suis plus attentive.» (Fille, 15 ans, Afrique du Sud). Mais la plupart des enfants ont trouvé que l’enseignement était de moins bonne qualité.
De plus, les résultats de l’enquête soulignent la frustration des enfants de ne pas être inclus dans les décisions concernant l’ouverture ou fermeture des écoles et la meilleure façon de dispenser et d’accéder à l’enseignement en ligne et hors ligne. La situation sanitaire a provoqué un stress supplémentaire pour 42% des enfants qui se sont dit plus inquiets pour leurs examens et leurs notes.
Jeux, repos et loisirs
L’article 31 de la CIDE indique que tous les enfants ont le droit de jouer, de se reposer et de se divertir. Or pendant la pandémie, 56% des enfants ont déclaré avoir du mal à parler avec leurs ami.e.s et beaucoup ont dit que c’était la pire des conséquences du coronavirus.
Beaucoup d’enfants ont également exprimé le fait que le sport et leurs activités leur manquaient : 35% ont dit faire moins de sport pendant la pandémie et 31% en faire plus.
Environnement digital
L’environnement digital peut se révéler être tant salutaire pour les droits de l’enfant qu’un facteur de violations et de discrimination. Dans l’enquête, seulement 13% de tous les enfants ont déclaré n’avoir aucun ou quasiment aucun accès à internet, et plus de la moitié (55%) un accès régulier. Mais il existe des différences régionales importantes : en Afrique seuls 20% des enfants ont un accès fréquent à internet , en Asie-Pacifique ils sont 35%, en Amérique latine et aux Caraïbes 61%, en Europe de l’Ouest 77% et en Europe de l’Est 86%.
Pendant la crise sanitaire, les enfants se sont servis des réseaux sociaux pour rester en contact avec leur famille et leurs ami·e·s. Pour tous les enfants, la famille reste la première source d’information, mais pour les enfants qui peuvent accéder à internet très souvent lorsqu’ils et elles le veulent, les sites web sont la deuxième source la plus courante d’information (52%).
La plupart des enfants se sont sentis autant ou plus en sécurité en ligne pendant la pandémie, mais 17% s’y sont sentis moins en sécurité. Parmi ces derniers, les enfants n’étant presque jamais en ligne étaient les plus nombreux. « Internet est parfois dangereux et il y a beaucoup de messages anonymes qui te disent des choses vulgaires. Je sais comment les dénoncer ou les bloquer, mais beaucoup ne le savent pas. Il faut que nous changions cela.» (Fille, 15 ans, Inde)